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La jeune fille rouge, le chêne vert et le rosier sauvage

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Elle était rousse, elle était pleine.

Roulait à vive allure vers le chêne.

Pressée d'annoncer la nouvelle, elle se sentait pousser des ailes.

Nul doute qu'il serait là, comme chaque soir.

Nul doute qu'elle allait le trouver bien planté, penché sur le rosier.

Tous deux en grande discussion.  Débattant de la vigueur d'un orage, des couleurs de l'automne, des nuits qui font naufrage.

 

Impatiente et fiévreuse, elle lâcha la bicyclette rouge dans l'herbe verte et courut à perdre haleine, à perdre un souffle si précieux que son âme lui intima l'ordre de s'arrêter :

-Fais attention! Tu portes la vie dans ton ventre et dois te montrer prudente.

-Bien sûr! Je me sentais si légère que j'avais oublié.

 

Quand, enfin, elle fut arrivée près de la source, elle entendit qu'entre le chêne et le rosier volait un long silence. Elle froissa de ses pieds les feuilles mortes. Histoire de se faire entendre, de ne pas surprendre.

Le chêne ne bougea pas. Pas plus que le rosier.

Que se passait-il donc ici pour que ses amis, d'ordinaire si bavards, se soient tus?

 

Elle s'approcha et comprit.

Vit sur l'arbre un serpent.

Un serpent doré, comme une ceinture sur la branche.

Comme une censure.

 

Ce serpent qui n'était pas muet, siffla :

-Tes cheveux sont bien roux petite fille...

-Je ne suis pas une petite fille et la couleur de mes cheveux ne te regarde pas!

 Que fais-tu là?

-Je fais ce que je suis venu faire : connaissance.

-Tu faisais plus que connaissance, interrompit le rosier d'une voix forte et ulcérée.

Tu voulais m'imposer ton savoir. Ta médecine. Tu es allé jusqu'à me proposer de m'aider à mourir. Tu disais que ton venin glacerait mon cœur plus vite que l'hiver. Tu disais vouloir m'épargner la douleur. Prendre les devants.

Et selon toi, j'aurais peur. De laisser là mes compagnons, le chêne et la jeune fille rouge.

 

Tu te trompes, Serpent. Les années m'ont appris à me détacher. J'ai perdu une à une et tout au long du voyage, les quelques épines qui, jadis, me poussaient à me défendre. Aujourd'hui je n'en ai plus l'utilité.

Mes amis savent à quoi s'attendre. Ils savent que nous allons bientôt nous séparer, que je ne les quitte pas de bon cœur mais que j'obéis à la loi. Celle de la nature.

Mais toi, tu voulais anticiper, maîtriser.

-Je voulais t'épargner la souffrance, dit le serpent.

-La souffrance, reprit le rosier, c'est toi qui la dispenses.

Elle ne vient qu'à celui qui refuse la loi, s'obstine et veut mener la danse.

Laisse donc la saison se terminer, laisse-nous tranquilles, laisse-nous sauvages.

Repars et emporte dans ton bagage toutes tes bonnes intentions. Fais en bon usage et ne reviens pas.

Laisse l'hiver refermer lentement mon cœur, il s'y prend bien.

 

Le serpent, à court d'arguments et mauvais perdant, fila ventre à terre.

 

-Il vient de recevoir une bonne leçon, dit la jeune fille.

-Espérons qu'il la retiendra, répondit le chêne. On n'a pas idée de vouloir à ce point contrôler. La journée avait pourtant fort bien commencé. J'avais entendu dire, par mon ami le ruisseau, qu'un oiseau n'allait pas tarder à tomber du nid?

-Cela s'est donc su? Pour mon enfant, je veux dire? Moi qui voulais vous faire la surprise...

-Disons qu'on ne sait pas tout.

On ne sait pas s'il aura tes joues rouges, tes cheveux fous…

S'il aura pour amis les chênes centenaires et les rosiers sages.

On ne sait rien, donc. Autant dire que le mystère reste entier...

 

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12/11/2013
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