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Vivre légère


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Au pays secret de la mémoire vivait une dame blanche, au regard bleuté.

Je voyageai chargée le jour où je l’ai rencontrée : alourdie de vérités supérieures, de hautes aspirations, de grandes ambitions. Erigées en tours, elles se faisaient concurrence. M’attrapaient le souffle pour le rompre et couper, hacher la vie en tranches.

 

Je ne me savais pas aliénée. Je connaissais juste les douleurs, la terreur et le vertige.

Et plus les tours s’édifiaient, plus je me sentais écrasée.

Je portais sur le dos une croix de pierre, un avant-goût de l’enfer.

Une croix dont je cherchais vainement à me débarrasser : il me fallait vivre légère.

 

Mon squelette, ainsi harassé, hissé sur tant de hauteurs et tant de rêves, a fini par s’affaisser. L’ossature toute entière a craqué sous la charge de l’absolu.

Je me suis retrouvée clouée par la souffrance. Clouée et alitée. Sans plus de structure.

L’horizontalité m’a fait me questionner, observer. C’est à ce moment là du chemin que j’ai vu la dictature. J’ai vu le massacre et ce qui défigure.

Alors j’ai pris ma pioche et j’ai cassé la roche. Je croyais en sa dureté, je la faisais mienne.

Je n’avais pas entendu ce que pourtant, très tôt, la dame blanche m’avait confié :

«Derrière ce qui te semble être matière et solide, il n’y a que poussière et vacuité.

Et dans cette vacuité se couche la lumière, la plus intense des clartés».

 

Au pays de la mémoire, on ne fait pas toujours ce que l’on veut.

Ce que la dame blanche m’a soufflé fut égaré. Je l’ai oublié et j’ai continué, avec ardeur, à fracturer la pierre. Sans voir la lumière, sans prendre garde à la poussière.

 

Et, cheminant, j’ai fait volé en éclats le bloc des idées froides, des idéaux.

J’ai compris le poids sur mon dos. Il m’a fallu plier et laisser s’écrouler mon élan vers le ciel.

La chute fut ascensionnelle, irrationnelle.

La nuit, ensuite, s’est installée. Les doutes ont émergés. Les uns après les autres, je les ai regardés.

J’ai cru en faire le tour, je n’ai fait que des détours. Je me suis quelquefois perdue dans l’ombre mais la croix, un jour, est devenue de bois. De veines.

 

J’ai repris chair et me suis attendrie. La vie enfin s’est libérée, j’ai su que j’allais mieux respirer.

Et même si je luttais encore, même si je contestais ce qu’il m’avait été donné de porter, mon dos se relâchait. Je commençai à aimer ce qui pesait et m’avait poussé sur la route.

Ma démarche, devenue souple, je me suis redressée.

Le bois incandescent a brûlé et sans que je ne m’en rende compte, les digues ont sauté. L’eau vive, nouvelle, émotionnelle a circulé. Empruntant les bons canaux, les bonnes artères. Sachant se diriger.

Mon cœur a retrouvé le sens et le sang de l’enfance. Ses forces vives et contraires.

 

A ma grande surprise, j’ai pu affronter le vide et vivre du silence.

Je n’avais plus le vertige.

Ancrée, je marchais désormais sans peur de m’effondrer. La croix s’est allégée. La vie dont je rêvais, celle dont j’exigeais légèreté a retrouvé son insouciance. Naturelle, essentielle.

 

J’avançais plus libre, plus ample. Et, comme pour me remercier, la croix, doucement, s’est renversée.

Elle a glissé dessous mon corps. M’a soulevée et me soulève encore.

 

Il a fallu dire oui. Assumer et supporter l’histoire dans son entièreté.

Faire se rejoindre les opposés.

 

 

Au pays secret de la mémoire, la dame blanche au regard bleuté sourit.

Le souvenir m’est revenu, s’est incarné.

Là où se trouve la matière je ne vois plus que la poussière,

Là où se révèle la vacuité, se couche la lumière…



20/07/2014
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