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La plage

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Le soleil est encore chaud en cette fin d’après-midi.

Il brise l’eau de ses rayons et vient heurter nos têtes abritées sous leurs chapeaux.

Les enfants jouent sur la plage.

 

Justine, toute ronde, vêtue de ses cinq ans et d’un maillot dans lequel elle flotte, court jusqu’à nous. Elle semble chercher partout son seau, sa pelle et son râteau.

Ses yeux me lancent des éclairs.

Je la regarde, toute occupée que je suis, à ranger, au fond de la glacière, les restes du goûter. Elle fouille, farfouille… Foule de ses petits pas le sable, les serviettes et les sacs.

Avec ses yeux amande et ses joues oranges, elle a des airs de citrouille. Et c’est maintenant tous les noms de fruits qui me traversent l’esprit. Cette petite, je ne sais pas l’appeler par son prénom. Je pense plus souvent à la manger qu’à lui parler.

 

Mais si je lui parlais, ça pourrait donner ça :

« Ma petite pêche, mon petit abricot. J’aime tout de toi. Tes allures revêches, la douceur de ta peau, ton caractère effronté. J’aime tes cheveux fins, tes boucles folles, blondes et bondissantes. Ta bouche rousse.

J’aime quand tu n’as pas de doutes. Quand tu me dis que toute seule tu pourrais traverser la route…

A ton âge, petite fraise, j’avais moins de joies que toi, moins de foi aussi.

La plage, les eaux tintées du pacifique, mon océan préféré, je les rêvais.

A ton âge, j’étais enfermée dans ma cage. Clôturée dans une chambre d’hôpital.

Sombre, froide et grise.

Quand j’y repense, petite cerise, je me dis que tu ne connais pas ta chance. Je me dis qu’il faut que je veille. Que s’il t’arrivait malheur, si tu tombais malade à ton tour, je ne saurais plus vivre. Alors je te protège, je t’emmène faire des tours de manège, je t’évite tous les pièges.

Je t’étouffe, petite frimousse. Je te prive d’air. Je le vois mais je ne sais que faire. »

 

Dans ta colère et ta maladresse, tu viens de renverser un peu de sable noir sur le s épaules de ton père. Mais ne t’en fais pas, petit chocolat, il ne se réveillera pas. Il a travaillé bien trop dur cette nuit. Je te dis ça mais tu n’as rien vu. C’est moi que tu regardes de travers, petit citron vert.

Je te souris et voilà que tu tournes furieusement les talons et que tu cours rejoindre ton frère.

 

Nathan, voyant sa sœur arriver au galop, se cache derrière un rocher. Sa tête dépasse. Il pense :

 

« Mais qu’est-ce que tu veux encore Justine ? Tu ne vois pas que je suis occupé ? Fiche moi donc la paix ! Je n’ai pas le temps de chercher ton seau, ta pelle et ton râteau. Pas envie, non plus, de construire avec toi des châteaux  que tu démoliras avant même que le soleil ne tombe. J’ai mieux à faire. Je veux aller pêcher. J’ai vu des poissons blancs. Ils ont des rayures tout le long de leur corps, tu te rends compte ? Ils sont sûrement bons à manger. Avec un peu de chance,  maman ne fera pas la grimace en les voyant."

 

 

Une larme coule sur la joue de Nathan.

 

 

« Papa dort encore. Il m’avait pourtant promis d’aller ramasser des coquillages. De toute façon c’est toujours la même chose avec lui. Je m’en fous, j’irai pêcher quand même ! Je vais trouver des crabes et en cachette, je les glisserai sous les serviettes. Ils réveilleront papa, ils feront hurler Justine. Maman la consolera. Mon petit pruneau par ici, ma petite mandarine par là. Et mon cœur éclatera, criera qu’il n’y en a jamais que pour elle de ces mots doux, de ces mots gourmands. Que j’en ai marre de m’appeler Nathan !

Ils me regarderont sans trop comprendre et moi je finirais par pleurer. Je serai blessé. Je serai pressé d’atteindre mes dix-huit ans. De partir.

Les quitter pour devenir pêcheur.

Et revenir meilleur. "

 

 



26/02/2014
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