elisecreationsuite

elisecreationsuite

Sensible et verticale

Ce n’est pas un placard, c’est une armoire. Haute et pleine. Une série de costumes sombres et de robes blanches en cachent le fond. Il suffit pourtant de se montrer curieux pour vivre l’aventure. Lila, un peu hardie, ose. Sans savoir et par hasard. Simplement parce qu’elle a l’esprit libre en ce matin d’été. Simplement parce que la température est élevée, qu’elle respire mal et cherche la fraîcheur.

 

Il a suffi d’un peu de présence et la voilà qui perçoit, derrière les vêtements mondains, une fine et longue entaille dans le panneau de bois brun. Et dans cette échancrure, un rayon de lumière, pur.

D’un geste impatient, elle écarte les cintres, sépare en deux la penderie.

D’un côté les costumes d’hommes, sombres. De l’autre les robes de femmes, blanches.

Au centre et sous ses yeux, la fissure. La place faite à la lumière dans toutes ses dorures.

Lorsque Lila tend le bras, c’est tout son corps qui frissonne, reçoit le tremblement. Et du tréfonds de son être, elle apprend que ce qu’il se passe, ici et maintenant, ne se reproduira plus avant longtemps.

Le cœur battant, elle pousse le panneau de bois brun, s’arrête sur le seuil.

Se penche et bascule.

 

Le froid, soudainement, l’enrobe. Ne l’agresse pas mais l’enveloppe.

La neige, tombée cette nuit, est encore vierge. Aucune trace de pas, on attend qu’elle.

Lila s’élance, suit l’appel. L’hiver semble installé. La jeune femme a changé de saison en une fraction de seconde. L’étrange c’est que le froid ne la saisit pas. La magie, c’est que le temps ne passe pas mais qu’il tourne. Se regarde danser dans le miroir argenté de glace.

 

Lila avance sans idées. Aucune pensée pour lui faire obstacle, lui voler l’instant.

La brise légère, fait tourbillonner, vaciller les anges qui, pour l’occasion, sont réunis.

Ils sont venus célébrer l’audace de celle qui ose, de celle qui ne s’est pas désespérée.

Leurs bras sont, pour toujours, chargés de roses.

 

Lila les croise sans les voir.

Sur l’autre versant du monde, on les méprise, on ironise.

Ils sont pourtant bien là, partout. Pour consacrer la vaillance et la vérité.

Ils sont pourtant bien là, partout et pour de vrai. Ils accompagnent, poussent au voyage et par-dessus les bastingages. Ils secouent, réveillent les êtres éthérés. Leur soufflent la confiance.

 

Lila, qui, dans son innocence, vient de se frayer une route entre le noir et le blanc, capte ce souffle.

Y répond. Et plus elle s’attarde, plus la vie, par lui, devient bavarde. Lui parle.

La ramène doucement jusqu’aux entrailles, jusqu’à la faille. Celle par où se glissait, tout à l’heure, le rayon de lumière, pur. De là où désormais elle se situe, c’est l’ombre qui se devine à travers l’ouverture. Impossible d’y échapper, de s’en défaire.

La lame, comme une encre, saigne dans la blessure.

Et signe, et jure.

 

Que où que l’on se trouve, sur ce versant du monde ou sur un autre, en été comme en hiver, les larmes continueront de couler. La musique aura beau se jouer, les anges auront beau célébrer, l’exil et sa douleur ne se fatigueront pas.

L’intrépidité de Lila est récompensée. Elle conduit à la lucidité.

 

Si l’on ose le saut, si l’on ose la traversée, ce que l’on découvre,

C’est qu’il n’y a pas de portes ouvertes sur un ailleurs, artificiel.

Pas de portes ouvertes sur un quelconque paradis, même perdu.

 

 

Il va falloir vivre avec cette nouvelle. Dans cette vérité, radicale.

Et vivre bien. En demeurant présent là où règne le mal. Et maintenir le lien.

Il va falloir rester sensible et vertical.

 

Il n’y a jamais eu de différence entre le ciel et la terre. C’est cela qu’il faut connaître.

La lumière depuis toujours se niche au creux de l’ombre et si l’on observe bien cette dernière il s’y dessine un peu de sa clarté, cachottière.

Rien n’a jamais été séparé, ni opposé.

Tout est un. Inutile donc d’aller plus loin, Lila peut rebrousser chemin.

Le rêve s’éteint et révèle le réel, plus frais que jamais dans cet été doré.

 

Ce qui, après le passage de Lila, sur les deux versants du monde, fait la différence,

Ce sont les traces de pas sur les cimes.

Et la respiration, plus ample.

Incarnée dans l’abîme.

 



27/06/2014
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 4 autres membres