Bonne nouvelle
La première chose que j’ai vue chez cet homme (et qui aurait dû m’interroger), c’est son regard peu ordinaire, tressé d’or et comme plié, agenouillé. Un regard qui sait ce qu’être vrai veut dire. Un regard ouvert et intériorisé, qui ne laisse apparaître qu’un peu de la lumière, qu’un peu de la bonté.
Pour ne surtout pas effrayer, pour simplement convoquer.
Dans ce regard ambré, j’ai vu, unifiés, l’élan de l’amoureux, l’éclat du solitaire.
J’ai vu le silence qui prend le dessus, son opacité nécessaire.
Cet homme portait à son doigt un anneau, signe d’alliance. Il m’a dit être engagé : il désirait ailleurs, la bonne nouvelle. Dans ses yeux dorés, fragilement éclairés, la braise a rougi. J’ai vu tous les volcans, tous les soleils couchants. J’ai vu la lune et ses cratères. J’ai préféré me taire, ne pas en rajouter. Je l’ai senti sincère. Et peut-être même entier, comme un mystère.
Je n’ai pas tout compris. J’étais un peu naïve, sans expérience et des hommes au regard tendre et tressé d’or, je n’en avais jamais croisé. D’abord un peu méfiante, j’ai hésité à m’approcher. Mais la douce lumière dégagée, faite de justesse, de justice et d’élégance m’a retenue, captivée. Elle m’a rappelée ce que, peut-être, je venais faire sur terre. J’étais alors une jeune femme, un peu étourdie, inconséquente. S’il n’y avait pas eu l’orage, la course et ses virages, je n’aurais jamais su que l’on peut ainsi voyager sur un visage.
Cet homme ne s’est pas contenté de me considérer, il m’a parlé. J’ai entendu sa vérité, j’ai épousé son langage. Ses mots, simples, avançaient au pas des images, au son des paraboles. L’étrangeté, dans tout cela, le plus drôle, c’est que je comprenais. Peu habitué, mon esprit, pourtant, l’a suivi tout au long de ces nouveaux sentiers. Nous avons longuement cheminé. Il m’a conté qu’il n’avait, durant sa jeunesse, fréquenté que des lieux clos : hôpitaux, monastères et prisons. Cet homme, que d’autres ont déclaré fou, m’a fait confiance. Et curieusement (ne me demandez pas pourquoi), je n’ai pas eu peur.
Ingénue, aveugle et assoiffée, j’étais prête pour le voyage, il l’avait deviné. Mieux, il savait.
Il me savait faite pour la marche.
En lui, j’ai découvert ce que la nature a de plus beau, de plus dur aussi.
Je me suis dit : cet homme, c’est le ciel en personne, c’est aussi la terre quand elle se donne.
A son contact ma vie s’est transformée, ma vue s’est élargie. Je me suis hissée à sa hauteur et prise de vertiges, j’ai basculé. Et lorsque j’ai basculé, je n’avais pas idée…
Ensemble, nous avons gravi les plus hautes cimes, longé des ravins, dévalé des vallons. Nous avons traversé le désert, glissé ses pentes les plus raides pour finir par échouer, enfin, au fond du puits.
J’ai perdu connaissance au beau milieu de l’ombre et de la nuit.
Si j’ai pu émerger des eaux troubles, c’est grâce à lui. A sa lucidité. Il a permis le changement.
Cet homme, par son passage, émancipa mon âme.
Elle a désormais la couleur émaciée de l’eau vive. Je n’ai plus soif.
Elle brûle du même feu que le sien. Retrouvé, réconcilié.
Je suis droite et debout.
Cet homme qui m’a interdite dans ma course, me place maintenant directement au centre.
Me ramène au présent.
Et depuis (certains me l’ont rapporté), ce marcheur fou, au regard ambre et tendre, continue sa route.
Parti éveiller d’autres êtres, il le fait sans violence, en conscience.
Qui m’aime me suive, répète-t-il, à qui veut l’entendre.
Et il désire ailleurs, bonne nouvelle…
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